En route pour Platé
C’est la fin de l’été. Passy, 7h00 en septembre C’est la belle saison qui va commencer. Celle où la montagne s’apprête à changer de tenue. L’air frais du matin s’engouffre comme une caresse dans la pièce. Le soleil s’associe en lançant un rayon qui frappe le poêle comme pour nous dire que bientôt il faudra le rallumer. Gros-chat file entre mes jambes et Gros-chien le regarde, désabusé. Les bruits de la vallée remontent, les clarines se font entendre au loin. La montagne s’ébroue pour être prête quand les visiteurs viendront. Le vent coiffe les herbes, les fleurs se redressent, les arbres bruissent, les oiseaux lancent des appels. « Allez Gros-chien, on y va» Aujourd’hui on monte à Platé. Chaque année je me demande si ce sera ma dernière montée. On va essayer de ne pas dépasser les trois heures de marche. Je prends mon sac et regarde si je n’ai rien oublié : Poncho pour la pluie (on ne sait jamais), pain fait maison (hum, il sent bon), saucisson du René de la ferme d’en bas, de la tomme de Megève, une banane et une pomme, une gourde de Côtes du Rhône, une gourde d’eau, les croquettes de Gros-chien et surtout les jumelles. Souvent l’après-midi, je me pose sur la chaise de jardin et je passe quelques heures à regarder la montagne. Elle vit, elle n’est pas statique, et je découvre à chaque instant quelque chose. Gros-chat va être surpris de ne pas me voir pour midi. Gros-chien guette le moment où je prends mon bâton de marche. Un vrai bâton de plus d’un mètre avec une dragonne verte et une pointe en métal. J’ai le bâton, signal du départ, Gros-chien aboie. Nous partons d’un pas lourd et assuré. J’ai aux pieds mes chaussures avec lesquelles j’ai défilé au 14 juillet à Paris avec le 27ème BCA d’Annecy. Je ne les mets que pour les grandes occasions. Le cuir est épais mais l’intérieur semble moulé à la forme de mes pieds. La cheville est bien tenue. L’herbe qui longe le chemin est encore très mouillée mais dans quelques heures tout sera sec et on pourra se coucher dans l’herbe avec Gros-chien et entendre les insectes volants fredonner à nos oreilles la musique du bonheur. Arrivés à Charbonnière, je vais voir ce qu’il reste de la grange, la « station de départ » de la benne. La benne reliait Platé avec un simple câble. Le plateau de la benne mesurait environ 2m x 1m. Quand il pleuvait mon père Martin nous abritait sous une bâche et nous entamions notre voyage quelques fois sous les éclairs et la peur au ventre. Mon père disait : « Le câble ne cassera jamais ». Il avait raison, le câble a tenu et c’est le rocher de la plateforme qui a cédé. Maintenant ça devient sérieux, nous allons grimper sérieusement. Le chemin est étroit, et en plein été, les touristes sont nombreux, trop nombreux à se croiser. Pour la plupart ils ont pris le téléphérique de Flaine sont arrivés frais et dispos à Platé. Ils ont déjeuné et parlé fort, puis ils ont entamé la descente vers le Plateau. J’en ai vu avec des «tongs» aux pieds. J’ai retrouvé des détritus de toutes sortes : des cannettes vides, des emballages de barre protéinée, des bouteilles en verre, et même une basket. On passe la passerelle du torrent. Une petite pause avant d’attaquer la montée. En voilà un qui monte. Gros-chien s’assoie et le regarde d’un air dubitatif. « Bonjour Monsieur, bonjour le chien. Belle journée pour grimper. N’est-ce pas ? » « Bonjour. Ben mon gars, t’es bien équipé. Gros sac, corde, mousqueton, petit piolet. Tu vas loin ? » Je lui dis. « Au Désert de Platé voir les lapiaz » Il a lui aussi les bâtons de ski sans les skis. « On ne voit plus beaucoup de personnes avec des bâtons comme le vôtre, avez-vous déjà essayé les bâtons de randonnée, c’est plus cool. » m’explique-t-il. Sûr qu’il doit me prendre pour un bobet arriéré. « Trop fragiles tes bâtons. Le mien me permet de m’appuyer dessus dans les chemins hasardeux mais surtout de me défendre contre le puma des montagnes. » Il me regarde avec surprise. Les yeux grands ouverts pour mieux comprendre ce que ses oreilles ont entendu. « Un puma des montagnes ? Ça existe ? » « Oui, mais il ne faut pas en parler car les touristes ne viendraient plus en vacances. Ce n’est pas un vrai puma, c’est un grand chat forestier de la taille d’un puma. Très agressif, il guette le touriste, aplati sur un rocher et la patte prête à scalper l’humain qui passe à sa portée en dessous de lui. » Le pôvre commence à blêmir. Ses deux bâtons argentés commencent à lui peser dans les mains. Il doute. « Il y en a en ce moment. » « Peut-être, faut y voir pour y savoir. Bon, ça fait déjà chaud, faut repartir. » Je dois quand même avoir un fond méchant. Je ris en voyant son visage défait et ses fières épaules du début de notre rencontre s’affaisser. Mousqueton, corde, piolet, pour aller à Platé. N’importe quoi. Gros-chien le regarde et ses yeux brillants me font dire qu’il rigole lui aussi. Hahaha ! Il comprend tout mon gamin.
Ça grimpe. Je pose chaque pied avec sûreté sur ce chemin étroit. Les pierres roulent sous la semelle, les éclats d’ardoise glissent, le bâton me soutient dans cette montée. Et Gros-chien qui monte et descend, fait le fou. « Allez papa, plus vite ! » me dit-il. Il grimpe sur les rochers et redescend aussi vite. « Reste près de moi, des touristes arrivent. » Oulala ! Un couple âgé (peut- être plus jeunes que moi) descend d’un pas qui n’est pas très sûr. « Allez-y passez » dis-je courtoisement. « Priorité à ceux qui montent, c’est comme en voiture. » me dit le monchu. Son épouse a beaucoup de difficultés pour trouver où placer ses pieds sur les gros cailloux du chemin et ses bâtons de marche l’encombrent. Il lui tend la main. On parle un peu. Ils sont arrivés hier par Flaine, ont dormi au refuge et redescendent vers la vallée pour rentrer à leur hôtel à Cluses. « Vous n’avez pas peur que votre chien tombe, il est sur la falaise. » En entendant le mot chien, Gros-chien a compris que l’on parlait de lui. Il revient en sautant manquant de faire chuter la brave dame. « Oh c’est un chien berger de Passy. C’est une race spéciale avec de l’ADN de chèvre. Ils avaient essayé avec de l’ADN de bouquetin et de chamois mais ça n’avait pas fonctionné. Grâce à ça, il peut grimper sans crainte les rochers. » Bien entendu, le son de ma voix ne laisse aucun doute sur la véracité de mes propos mensongers. « Arvi, pâ !, bonne descente » C’est plus fort que moi, j’aime à raconter des histoires farfelues qui feront merveilles à leur retour de vacances.
Dans la cheminée, un passage étroit et humide, Gros-chien est tenu en laisse car c’est dangereux. Je le garde ainsi jusqu’en haut. Une passerelle sécurise ce bout de chemin et c’est tant mieux. Arrivé au sommet, je redescends un peu pour aller encore une fois sur le lieu où se trouvait l’embarcadère de la benne. Les souvenirs m’envahissent comme un tsunami et m’obligent à m’asseoir. J’aime regarder d’ici le Plateau, Passy et surtout Chedde. Je sors les jumelles et regarde la vallée. J’aime cette quiétude que l’on ressent à Platé. On est bien. Gros- chien tire sur la laisse, il veut que l’on aille de l’avant. Je ne lui enlève plus la laisse. A Platé, il y a des moutons et les poules du refuge. Même si mon vieux gaillard est sage, je veux montrer l’exemple. Il va être 11h, on peut sortir le manger. L’Opinel n°12, l’arme ultime des Savoyards. Je devais avoir 4 ou 5 ans quand mon père Martin m’a offert un porte-clés avec un mini couteau Opinel. Depuis un Opinel a toujours été dans ma poche. Je tends les croquettes à Gros-chien. Il fait non de la tête. Pas fou le gros, il veut que je partage la tomme et le saucisson. « D’accord gros. » Quand nous étions gosses à Platé, avec Marie-Louise, Josiane, Kiki, les filles Perrodin, nous prenions une vieille tôle, une casserole, de l’eau, une plaquette de chocolat, des gobelets et des blocs d’alcool solidifié pour créer une sorte de réchaud avec des pierres. On trouvait une crevasse assez large pour que nous puissions tous entrer. La tôle posée au-dessus et nous avions une cabane. Dès que l’eau commençait à chauffer, Kiki plongeait lentement la tablette de chocolat et touillait avec son Opinel. Ensuite on buvait ce breuvage. Il avait un goût de… de chocolat fondu dans de l’eau. Assez médiocre, mais c’était le bonheur. C’était vraiment l’insouciance, et d’aucuns riaient pour n’importe quelles bêtises sortant de nos bouches. Le soir, affamés nous attendions la soupe. Mémé Marthe nous faisait de la soupe d’orties. « Assez rêvassés Gros-chien, on rentre à la maison. » Gros-chien se secoue, me fait un gros câlin en passant sa tête sous mon bras. Il ne veut pas que je me lève et que nous profitions encore de Platé. Nous reprenons le chemin, je me retourne une dernière fois, « Arvi pâ Platé, à l’année prochaine si Dieu le veut. » La descente s’est faite tout simplement. Passé la cheminée, je libère Gros-chien et nous descendons doucement profitant des derniers instants. Gros-chat est sur la planche qui nous sert de banquette. Il attend, il est aux aguets, sa famille arrive, il nous sent. Gros-chien saute sur la planche, Gros-chat vient vers moi et veut que je le porte. Je le prends ce gros chat de 7kg et j’ai en cadeau un énorme ronron dans le cou. La clé est restée sur la serrure comme à chaque fois que je pars. J’ouvre, on est chez nous.
Jean-Marie Le Braz
C’est la fin de l’été. Passy, 7h00 en septembre C’est la belle saison qui va commencer. Celle où la montagne s’apprête à changer de tenue. L’air frais du matin s’engouffre comme une caresse dans la pièce. Le soleil s’associe en lançant un rayon qui frappe le poêle comme pour nous dire que bientôt il faudra le rallumer. Gros-chat file entre mes jambes et Gros-chien le regarde, désabusé. Les bruits de la vallée remontent, les clarines se font entendre au loin. La montagne s’ébroue pour être prête quand les visiteurs viendront. Le vent coiffe les herbes, les fleurs se redressent, les arbres bruissent, les oiseaux lancent des appels. « Allez Gros-chien, on y va» Aujourd’hui on monte à Platé. Chaque année je me demande si ce sera ma dernière montée. On va essayer de ne pas dépasser les trois heures de marche. Je prends mon sac et regarde si je n’ai rien oublié : Poncho pour la pluie (on ne sait jamais), pain fait maison (hum, il sent bon), saucisson du René de la ferme d’en bas, de la tomme de Megève, une banane et une pomme, une gourde de Côtes du Rhône, une gourde d’eau, les croquettes de Gros-chien et surtout les jumelles. Souvent l’après-midi, je me pose sur la chaise de jardin et je passe quelques heures à regarder la montagne. Elle vit, elle n’est pas statique, et je découvre à chaque instant quelque chose. Gros-chat va être surpris de ne pas me voir pour midi. Gros- chien guette le moment où je prends mon bâton de marche. Un vrai bâton de plus d’un mètre avec une dragonne verte et une pointe en métal. J’ai le bâton, signal du départ, Gros- chien aboie. Nous partons d’un pas lourd et assuré. J’ai aux pieds mes chaussures avec lesquelles j’ai défilé au 14 juillet à Paris avec le 27ème BCA d’Annecy. Je ne les mets que pour les grandes occasions. Le cuir est épais mais l’intérieur semble moulé à la forme de mes pieds. La cheville est bien tenue. L’herbe qui longe le chemin est encore très mouillée mais dans quelques heures tout sera sec et on pourra se coucher dans l’herbe avec Gros-chien et entendre les insectes volants fredonner à nos oreilles la musique du bonheur. Arrivés à Charbonnière, je vais voir ce qu’il reste de la grange, la « station de départ » de la benne. La benne reliait Platé avec un simple câble. Le plateau de la benne mesurait environ 2m x 1m. Quand il pleuvait mon père Martin nous abritait sous une bâche et nous entamions notre voyage quelques fois sous les éclairs et la peur au ventre. Mon père disait : « Le câble ne cassera jamais ». Il avait raison, le câble a tenu et c’est le rocher de la plateforme qui a cédé. Maintenant ça devient sérieux, nous allons grimper sérieusement. Le chemin est étroit, et en plein été, les touristes sont nombreux, trop nombreux à se croiser. Pour la plupart ils ont pris le téléphérique de Flaine sont arrivés frais et dispos à Platé. Ils ont déjeuné et parlé fort, puis ils ont entamé la descente vers le Plateau. J’en ai vu avec des «tongs» aux pieds. J’ai retrouvé des détritus de toutes sortes : des cannettes vides, des emballages de barre protéinée, des bouteilles en verre, et même une basket. On passe la passerelle du torrent. Une petite pause avant d’attaquer la montée. En voilà un qui monte. Gros-chien s’assoie et le regarde d’un air dubitatif. « Bonjour Monsieur, bonjour le chien. Belle journée pour grimper. N’est-ce pas ? » « Bonjour. Ben mon gars, t’es bien équipé. Gros sac, corde, mousqueton, petit piolet. Tu vas loin ? » Je lui dis. « Au Désert de Platé voir les lapiaz » Il a lui aussi les bâtons de ski sans les skis. « On ne voit plus beaucoup de personnes avec des bâtons comme le vôtre, avez-vous déjà essayé les bâtons de randonnée, c’est plus cool. » m’explique-t-il. Sûr qu’il doit me prendre pour un bobet arriéré. « Trop fragiles tes bâtons. Le mien me permet de m’appuyer dessus dans les chemins hasardeux mais surtout de me défendre contre le puma des montagnes. » Il me regarde avec surprise. Les yeux grands ouverts pour mieux comprendre ce que ses oreilles ont entendu. « Un puma des montagnes ? Ça existe ? » « Oui, mais il ne faut pas en parler car les touristes ne viendraient plus en vacances. Ce n’est pas un vrai puma, c’est un grand chat forestier de la taille d’un puma. Très agressif, il guette le touriste, aplati sur un rocher et la patte prête à scalper l’humain qui passe à sa portée en dessous de lui. » Le pôvre commence à blêmir. Ses deux bâtons argentés commencent à lui peser dans les mains. Il doute. « Il y en a en ce moment. » « Peut-être, faut y voir pour y savoir. Bon, ça fait déjà chaud, faut repartir. » Je dois quand même avoir un fond méchant. Je ris en voyant son visage défait et ses fières épaules du début de notre rencontre s’affaisser. Mousqueton, corde, piolet, pour aller à Platé. N’importe quoi. Gros-chien le regarde et ses yeux brillants me font dire qu’il rigole lui aussi. Hahaha ! Il comprend tout mon gamin.
En route pour Platé
Ça grimpe. Je pose chaque pied avec sûreté sur ce chemin étroit. Les pierres roulent sous la semelle, les éclats d’ardoise glissent, le bâton me soutient dans cette montée. Et Gros-chien qui monte et descend, fait le fou. « Allez papa, plus vite ! » me dit-il. Il grimpe sur les rochers et redescend aussi vite. « Reste près de moi, des touristes arrivent. » Oulala ! Un couple âgé (peut-être plus jeunes que moi) descend d’un pas qui n’est pas très sûr. « Allez-y passez » dis-je courtoisement. « Priorité à ceux qui montent, c’est comme en voiture. » me dit le monchu. Son épouse a beaucoup de difficultés pour trouver où placer ses pieds sur les gros cailloux du chemin et ses bâtons de marche l’encombrent. Il lui tend la main. On parle un peu. Ils sont arrivés hier par Flaine, ont dormi au refuge et redescendent vers la vallée pour rentrer à leur hôtel à Cluses. « Vous n’avez pas peur que votre chien tombe, il est sur la falaise. » En entendant le mot chien, Gros-chien a compris que l’on parlait de lui. Il revient en sautant manquant de faire chuter la brave dame. « Oh c’est un chien berger de Passy. C’est une race spéciale avec de l’ADN de chèvre. Ils avaient essayé avec de l’ADN de bouquetin et de chamois mais ça n’avait pas fonctionné. Grâce à ça, il peut grimper sans crainte les rochers. » Bien entendu, le son de ma voix ne laisse aucun doute sur la véracité de mes propos mensongers. « Arvi, pâ !, bonne descente » C’est plus fort que moi, j’aime à raconter des histoires farfelues qui feront merveilles à leur retour de vacances. Dans la cheminée, un passage étroit et humide, Gros-chien est tenu en laisse car c’est dangereux. Je le garde ainsi jusqu’en haut. Une passerelle sécurise ce bout de chemin et c’est tant mieux. Arrivé au sommet, je redescends un peu pour aller encore une fois sur le lieu où se trouvait l’embarcadère de la benne. Les souvenirs m’envahissent comme un tsunami et m’obligent à m’asseoir. J’aime regarder d’ici le Plateau, Passy et surtout Chedde. Je sors les jumelles et regarde la vallée. J’aime cette quiétude que l’on ressent à Platé. On est bien. Gros-chien tire sur la laisse, il veut que l’on aille de l’avant. Je ne lui enlève plus la laisse. A Platé, il y a des moutons et les poules du refuge. Même si mon vieux gaillard est sage, je veux montrer l’exemple. Il va être 11h, on peut sortir le manger. L’Opinel n°12, l’arme ultime des Savoyards. Je devais avoir 4 ou 5 ans quand mon père Martin m’a offert un porte-clés avec un mini couteau Opinel. Depuis un Opinel a toujours été dans ma poche. Je tends les croquettes à Gros-chien. Il fait non de la tête. Pas fou le gros, il veut que je partage la tomme et le saucisson. « D’accord gros. » Quand nous étions gosses à Platé, avec Marie-Louise, Josiane, Kiki, les filles Perrodin, nous prenions une vieille tôle, une casserole, de l’eau, une plaquette de chocolat, des gobelets et des blocs d’alcool solidifié pour créer une sorte de réchaud avec des pierres. On trouvait une crevasse assez large pour que nous puissions tous entrer. La tôle posée au-dessus et nous avions une cabane. Dès que l’eau commençait à chauffer, Kiki plongeait lentement la tablette de chocolat et touillait avec son Opinel. Ensuite on buvait ce breuvage. Il avait un goût de… de chocolat fondu dans de l’eau. Assez médiocre, mais c’était le bonheur. C’était vraiment l’insouciance, et d’aucuns riaient pour n’importe quelles bêtises sortant de nos bouches. Le soir, affamés nous attendions la soupe. Mémé Marthe nous faisait de la soupe d’orties. « Assez rêvassés Gros-chien, on rentre à la maison. » Gros- chien se secoue, me fait un gros câlin en passant sa tête sous mon bras. Il ne veut pas que je me lève et que nous profitions encore de Platé. Nous reprenons le chemin, je me retourne une dernière fois, « Arvi pâ Platé, à l’année prochaine si Dieu le veut. » La descente s’est faite tout simplement. Passé la cheminée, je libère Gros-chien et nous descendons doucement profitant des derniers instants. Gros-chat est sur la planche qui nous sert de banquette. Il attend, il est aux aguets, sa famille arrive, il nous sent. Gros-chien saute sur la planche, Gros-chat vient vers moi et veut que je le porte. Je le prends ce gros chat de 7kg et j’ai en cadeau un énorme ronron dans le cou. La clé est restée sur la serrure comme à chaque fois que je pars. J’ouvre, on est chez nous.
Jean-Marie Le Braz